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Retour à Moorea l’énigmatique

Iles et archipels – Nouvelle : Retour à Moorea l’énigmatique, après quarante ans d’absence.

Il est loin le temps du « Maire » et du « Niumaru », ces goélettes qui assuraient la liaison entre Tahiti et Moorea, Moorea l’énigmatique, Moorea l’île voisine si différente, si proche et pourtant si loin… Je revois sa silhouette découpée se détacher sur l’horizon quand on attendait sur les quais du port de Papeete avant d’embarquer. Je revois encore les marins s’affairer sur les quais… Je les revois clairement embarquer toutes sortes de choses : paquets de poissons et de fruits, cartons de boîtes de conserve et même d’antiques camionnettes qui montaient à bord en roulant sur deux planches de 20 centimètres de large…

Moorea, mon île, mes regrets, mon enfance, mon jardin secret… De toi j’ai gardé précieusement et secrètement le souvenir au plus profond de mon cœur d’enfant… Te quitter alors que je venais d’avoir 12 ans, a été un arrachement, un terrible chagrin, une petite mort dont je ne me suis jamais remis… Mais je porte en moi la marque de mes jours heureux avec toi et la force tranquille que tu m’as donnée pour le reste de ma vie…

Et c’est tellement vrai : Moorea m’a apporté dans toutes les épreuves de ma vie, le réconfort tranquille et pourtant si puissant de la vision d’aurores lumineuses et tranquilles étendant sur l’onde, la paix profonde de ces jours que ne hantaient ni l’angoisse du lendemain, ni l’obsession du futur… Sous la caresse vermeille du soleil rasant, l’onde libérait les formes argentées de « marara » (poissons volants), ou de paihere (carangues), ou de oe’o (becs de cane) en chasse… Les dauphins joueurs -pour ne pas dire farceurs- venaient presque toujours accompagner nos escapades en pirogue dans les passes des lagons ; quand dans nos frêles esquifs, nous nous voyions mon frère et moi, commandant et second du Queen Mary sortant à grand coups de sirènes de la passe de Papeete, pour repartir vers sa lointaine Angleterre…

Et me voilà revenu 40 ans plus tard, sur l’île de mes souvenirs les plus chers, sur Moorea cette île sœur de Tahiti qui a fait de moi l’homme que je suis aujourd’hui… Le ferry entre dans la baie de Vaiare qui semble ne pas avoir changé. Mon dieu, que la traversée est courte par rapport à autrefois ! Seulement 30 minutes, alors que le Maire mettait 2h30 jusqu’à la baie de Pao-Pao dans les années soixante-dix…
Le port de Vaiare paraît bien grand et il est très animé, mais toujours dans cette ambiance « bon enfant » si caractéristique de Tahiti et ses îles.

Et puis c’est la route sous les deux roues impatientes de mon scooter de location… Je roule lentement pour ne pas perdre une miette du paysage et des scènes qui s’offrent à moi. Le bitume semble défiler sous mes roues, comme un ruban… Et là, je n’en reviens pas en me souvenant que la route était en « soupe de corail », du temps de mon enfance… Plus de poussière, plus de dérapage, plus de cahots en passant dans les trous… Non, une vraie route sûre et agréable car elle ne demande qu’une attention normale… Il y a pas mal de voitures mais la circulation reste très fluide. Les voitures, il devait y en avoir seulement 20 ou 30 sur l’île au début des années soixante-dix… Quand on s’arrêtait pour parler à quelqu’un, on restait au milieu de la route parce qu’on était sûr de ne déranger personne. Et quand on traversait la route à pieds, on ne regardait pas, on se fiait au son : Si on n’entendait rien, alors c’était qu’il n’y avait pas de voiture et on traversait…

Les larmes envahissent mon regard en redécouvrant le charme majestueux des baies de Cook et Opunohu qui projettent leurs montagnes aux reliefs déchiquetés directement dans la mer … Il est 17h00 et le sommet du mont Mou’a Puta s’irise et se pare de ce petit voile de nuages dont j’avais oublié l’éblouissante beauté pastelle… Je monte la route du Belvédère pour retrouver ma vue fétiche depuis le sommet : Les deux baies en panoramique, la beauté tranquille, l’absolu… Rien ne paraît avoir changé et mes émotions de quinquagénaire ne sont pas plus faibles que celles que j’éprouvais à 12 ans en contemplant ces paysages hors du commun…

Je continue à rouler vers Haapiti et peu à peu, je réalise que malgré cette sourde angoisse, cette peur d’être déçu que j’avais en débarquant, les changements que je constate ne viennent aucunement déranger mes souvenirs. Au contraire, ils les complètent, ils les embellissent car tout ce qui a évolué à Moorea l’a fait dans le « bon » sens, c’est-à-dire en préservant les harmonies qui faisaient le charme de l’île : Beaucoup plus de maisons, c’est vrai… Mais elles sont là, toutes propres, sagement rangées au bord de la route, blotties dans des jardins amoureusement entretenus qui laissent entrevoir une farandole de couleurs, tout en libérant des parfums incroyablement subtils et si doux que l’on s’arrête au bord de la route pour les respirer et s’imprégner d’eux, les yeux fermés… Les hôtels, il y en avait 5 en 1975 : A Haapiti, il y avait le fameux Club Med, le Fare Gendron et le Moana. Maharepa abritait le Bali Hai et son magnifique ponton perché sur les eaux émeraude du lagon. Dans la baie de Pao-Pao, il y avait l’hôtel Eimeo. Enfin à Afareaitu, il y avait une adorable pension de famille nommée « chez Pauline » … J’apprends qu’il y a aujourd’hui, plus d’une centaine d’hôtels et pensions de famille à Moorea, dont une demi-douzaine de « resorts » de très grand luxe ! Je me demande où ils sont, tant la route du tour de l’île semble ne pas avoir changé ; sauf pour ce qui concerne la chaussée elle-même…

C’est alors que je décide de prendre le risque fou de ruiner mes souvenirs en m’aventurant dans l’enceinte de ces grands hôtels qui se sont installés sur le littoral au cours des 10 dernières années… En pénétrant dans les parkings des Sofitel, Pearl Beach, Manava Beach, Intercontinental et Hilton, je ferme les yeux à chaque fois, en ayant très peur du moment où il me faudra les rouvrir… Mais non, il n’y a que jardins luxuriants soigneusement entretenus. Les bungalows de plage sont magnifiques, tellement plus beaux que ceux de l’ancien Club Med qui pourtant constituaient un must à mes yeux. Les bungalows sur l’eau se détachent harmonieusement sur l’horizon lagunaire, ils cadrent parfaitement avec le paysage qu’ils contribuent même à améliorer grâce à leur apport en raffinement et en élégance typiquement locale…

Un verre au bar de l’Intercontinental pour me remettre des émotions fortes de cette journée de retrouvailles avec mon île. La vue panoramique sur le lagon m’amène au-delà de l’enchantement… C’est tout simplement magnifique… Non, ce retour ne m’a pas fait perdre les souvenirs du Moorea de mon enfance. Aujourd’hui il s’y ajoute quelques merveilles de plus qui viennent perpétuer la magie de cette île qui vit son époque tout en restant hors du temps… A Moorea, le temps est passé en ne laissant que de belles traces… Bien sûr, Il y a plus d’hôtels qu’avant, plus de choses à faire et à voir. Mais l’essentiel est toujours là et n’a pas changé… Le mana (« esprit » en langue Maohi) de Moorea est toujours là, on le sent frémir dans la douce brise qui toujours accompagne le couchant… Je suis rassuré et heureux : L’île que j’ai gardée au fond du cœur pendant quarante ans peut y rester tranquillement, jusqu’à la fin des temps… Car les plages de Moorea portent toujours les empreintes de mes pas d’enfant…

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